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Mes publications
Mes publications ont visé à enrichir les sciences de l’information-communication, en lien aux sciences de l’éducation et aux sciences cognitives. Parlant plusieurs langues, j’ai une prédilection pour les approches comparatistes, inter-disciplinaires et multi-méthodologiques (quali-quanti). Mes publications couvrent les thématiques liées aux écrans ainsi qu’aux axes de recherche sur l’éducation aux médias et à l’information, la gouvernance d’Internet et la diversité culturelle.
J’ai d’abord analysé ces thématiques et leurs évolutions aux Etats-Unis, comme laboratoire d’innovations techniques et sociales dans le domaine des médias analogiques et numériques, forte de mes formations à l’université de Stanford et à l’Annenberg School for Communications.[1] [2] Ma thèse analysait les flux télévisuels internationaux de dix pays pour y comparer leurs figures dominantes, leurs systèmes de représentation et les transferts culturels (1993).[3] Depuis, j’ai élargi mon analyse à une vision mondiale, comparative, du fait de ma participation marquante à deux sommets majeurs : le Sommet sur la Société de l’Information[4] et la Convention sur la protection et la promotion des expressions culturelles,[5] les deux en 2005. Cette date-pivot est aussi celle à laquelle ont émergé les formes commerciales des médias sociaux et des plateformes numériques.
Mes premiers travaux (1990-2005) se centrent sur l’écran et ses trois modes d’existence.
- « Dans sa position d’entité matérielle, il fonctionne comme artefact : c’est un objet que l’on peut désigner/designer. Il fonctionne aussi comme un dispositif : il procède à la mise en condition matérielle et psychologique du sujet et sans lui le contenu ne pourrait être accédé, ni physiquement ni symboliquement. Enfin, il est une interface: il inter-réagit avec l’utilisateur et peut faire varier les formes de la représentation. »[6] L’écran est désormais pris entre différents systèmes qui font la navette entre médias de masse et médias sociaux, le tout sous-tendu par les flux de données.[7]
- Cette évolution conforte à la fois mes notions de translittératie, de cybérisme et de co-évolution homme-machine,[8] car à travers les spectacles et services offerts, l’écran atteste d’ « un besoin de contrôle de la réalité qui débouche paradoxalement sur la création de nouvelles formes de lien social ».[9] S’y rajoutent de nouveaux types d’usages et d’usagers : le citoyen devenu netoyen, le spectateur devenu spectacteur, l’ouvrier devenu netayer, le joueur devenu gamer et enfin … le cyborg.
- S’ensuivent mes premières explorations sur la socialisation par les écrans, à travers les différents contenus engageants et les mises en récit générées, notamment les séries télévisées (américaines)[10] et les comportements de leurs fans.[11] Ces travaux mêlent analyse critique avec tantôt analyse de discours (qualitative), tantôt analyse de contenu (quantitative). Ils s’inscrivent dans la continuité de ma thèse sur les systèmes télévisés dans le monde, avec deux types de contenus et de comportements à risque récurrents : violence et pornographie.[12][13] J’y rajoute la publicité et l’image des jeunes.[14]
Ces travaux m’aident à construire ma propre vision de la réception comme processus de socialisation. Aux classiques idées d’identification et de projection, je rajoute celle de la prise à témoin : « L’engagement est un état plus complexe que l’identification (à un personnage) ou la projection (dans une situation), qui consistent à enclencher des processus d’inhibition des activités psychiques pour lutter contre l’effet d’emprise des images et des sons. En cognition sociale, la position du spectateur est de l’ordre de l’engagement (moral, éthique, politique,…) car il est mis en position de témoin, plus ou moins volontaire, d’un acte-en-société. Les récits engageants qui font dilemme mettent le spectateur en demeure de choisir, de s’engager éthiquement. Ils provoquent des réactions en réception qui renégocient les valeurs et les comportements évoqués par le spectacle. »[15]
Mes travaux plus récents, au tournant du millénaire (2005 au présent) portent toujours sur les récits engageants.
- Les contenus et comportements à risque (radicalisation,[16] discours de haine, désinformation,[17]), leurs conditions de production (la géopolitique des médias et des plateformes) ainsi que sur leur réception (amplification, réfutation), notamment auprès des jeunes.[18] [19]Les analyses sur les désordres de l’information m’ont permis de produire des recherches sur la désinformation.[20] [21]Je les équilibre par des travaux sur les opportunités offertes par l’augmentation numérique, notamment en matière d’identité, de bien-être[22] et de e-présence.[23] [24] J’ai pu ainsi contribuer à la conversation globale sur la citoyenneté numérique,[25] avec des recommandations de politiques publiques à la clé.[26]
- Ces évolutions médiatiques m’ont aussi amenée à orienter mes travaux par l’exploration des solutions offertes par les nouvelles littératies et en particulier l’éducation aux médias et à l’information, que j’ai fortement amenée sur le devant de la scène publique. J’ai récemment associé mes travaux sur les paniques médiatiques et les risques à mes analyses sur l’éducation aux médias comme nouveau champ transdisciplinaire.[27] Je tiens qu’elle est un des piliers des compétences du XXIe siècle et qu’elle doit faire partie des matières essentielles au curriculum scolaire et universitaire. Je reste vigilante sur son instrumentalisation potentielle car elle peut être interprétée comme une forme d’autorégulation par le public, qui permet aux producteurs et aux régulateurs de se dédouaner de leurs responsabilités démocratiques.[28]
- Pour tenir compte des nouvelles médiations et socialisations au savoir qui ont lieu en ligne, par le biais des écrans, j’explore également les opportunités du e-learning, dans les espaces et communautés connectées. J’ai notamment été pionnière dans l’introduction des MOOC dans la formation continue et à distance.[29] [30]
Mes travaux d’engagement citoyen, en appui aux décideurs et aux instances internationales, découlent de ma préoccupation de faire passer la recherche vers la société civile. Désireuse de faire passer les pratiques « sensées » (que préfère aux « bonnes » pratiques), à l’échelle nationale, voire internationale, mes travaux ont dépassé le cercle universitaire et intellectuel pour appuyer les initiatives publiques.
- J’ai ainsi produit de nombreux rapports tant en France qu’au niveau international. Le rapport du CIEM (devenu Enjeux e-médias) consacré à la violence à la télévision.[31] Pour l’UNESCO, j’ai rédigé la « Note technique sur l’éducation aux médias et à l’information » pour la révision de la Recommandation de 1974. J’ai aussi fourni le rapport sur l’éducation aux médias, préparatoire au Rapport Mondial sur l’Education (2022),[32] et le rapport de politique publique concernant l’EMI et l’IA (2023).[33] Pour la Commission européenne, j’ai aidé à la rédaction des lignes directrices pour la régulation des plateformes.[34]
- Mes contributions ont aidé à élaborer toute une série de recommandations.[35] Ces engagements ont mené à l’insertion de l’éducation aux médias dans la Directive de Services des Médias Audiovisuels (DSMA), à la publication de cartographies comme celle de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel,[36] à la création de l’observatoire européen des médias numériques (EDMO). Je fais des expertises pour EMIF et ai contribué à DIGEING, pour projection du programme Horizon en matière d’éducation au numérique (rapport). De nombreux rapports :
Auteure de plus de 40 ouvrages (Routledge, Wiley, Springer, DeBoeck) de plus de 300 articles et chapitres dans des revues renommées, j’ai aussi souhaité appuyer la vulgarisation, avec la création du blog Médias Matrices (2009-2016).[37] Je contribue régulièrement dans les médias, comme « auteur historique » à The Conversation.fr,[38] dont j’admire la collaboration chercheurs-journalistes. Je réponds aussi aux demandes d’acteurs de terrain, notamment les animateurs de l’éducation populaire, les journalistes et les professeurs-documentalistes.
C’est pour répondre à leurs attentes que j’ai fondé l’association Savoir*Devenir (2017-).[39] Cette ONG a joué un rôle majeur dans le renforcement des capacités dans le domaine de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) et a su répondre à la demande démocratique face à la montée des désordres de l’information. Elle s’adosse à de nombreux partenaires, y compris des entreprises de TIC et de médias (AFP, Qwant, …) et des collectifs de journalisme et de vérification des faits (CheckFirst, EU.disinfolab, AfricaCheck, RFI, Reporters Sans Frontières,…). Elle a produit de nombreuses ressources en EMI (boîtes à outils, manuels, jeux sérieux). En tant qu’organisme de formation agréé, Savoir*Devenir a mené plus de 100 ateliers de formation avec plus de 4 000 stagiaires formés dans le cadre du projet EMILE du Ministère de la Culture.
Je reste une défenseure infatigable des Droits humains, y compris le droit à l’indépendance de la recherche, ainsi qu’une adepte du plaidoyer pour la promotion et le partage de l’information pour le bien de tous.
La situation de l’écran-navette entre médias de masse et médias sociaux
(Frau-Meigs, ENSSIB, 2019)
Notes & références
[1]D. Frau-Meigs, Médiamorphoses américaines dans un espace privé unique au monde, Economica, 2002 https://www.sa-autrement.com/livre/9782717843392-mediamorphoses-americaines-frau-meigs-divina/
[2] D. Frau-Meigs, Qui a détourné le 11 septembre : journalisme et démocratie aux Etats-Unis, 2011, https://www.cairn.info/qui-a-detourne-le-11-septembre–9782804149994.htm
[3] https://www.theses.fr/1993PA020071
[4] D. Frau-Meigs, Media Matters in the Cultural Contradictions of the Information Society: towards a Human Rights Based Governance, 2011 https://api.semanticscholar.org/CorpusID:153191738
[5] D. Frau-Meigs et Kiyindou, A. (2014). Diversité culturelle à l’ère du numérique : glossaire critique. Documentation française.
[6] D. Frau-Meigs, Penser la société de l’écran : dispositifs et usages, 2011, https://psn.univ-paris3.fr/ouvrage/penser-la-societe-de-lecran-dispositifs-et-usages
[7] D. Frau-Meigs, Comprendre la malinformation et contrer les mécanismes inédits de l’infox, ENSSIB, 2019,
https://books.openedition.org/pressesenssib/10963
[8] D. Frau-Meigs, Médiamorphoses américaines dans un espace privé unique au monde, Economica, 2002 https://www.sa-autrement.com/livre/9782717843392-mediamorphoses-americaines-frau-meigs-divina/
[9] D. Frau-Meigs, Penser la société de l’écran : dispositifs et usages, 2011, https://psn.univ-paris3.fr/ouvrage/penser-la-societe-de-lecran-dispositifs-et-usages
[10] D. Frau-Meigs, Médiamorphoses américaines dans un espace privé unique au monde, Economica, 2002 https://www.sa-autrement.com/livre/9782717843392-mediamorphoses-americaines-frau-meigs-divina/
[11]D. Frau-Meigs,Socialisation des jeunes et éducation aux médias : du bon usage des paniques médiatiques, 2011, https://www.editions-eres.com/ouvrage/2839/socialisation-des-jeunes-et-education-aux-medias
[12] D. Frau-Meigs et S. Jehel, Écrans de la violence, Economica, 1997
[13]D. Frau-Meigs et S. Jehel, Jeunes, médias, violences, Economica, 2003)
[14] D. Frau-Meigs, Socialisation des jeunes, « actualité et crise de l’identité adolescente », supplément en ligne https://www.editions-eres.com/uploads/documents/annexe/2839_20_21ec01f49604af12d94f1734c4367fe4.pdf
[15] D. Frau-Meigs,Socialisation des jeunes et éducation aux médias : du bon usage des paniques médiatiques, 2011, https://www.editions-eres.com/ouvrage/2839/socialisation-des-jeunes-et-education-aux-medias
[16] S. Alava, D. Frau-Meigs, G. Hassan. Social Media and the Radicalization of youth in the digital era. Paris, Unesco, 2017 (en français et en anglais).
[17] D. Frau-Meigs and Corbu, N. (eds). Disinformation Debunked: MIL to build online resilience, London, Routledge (2024).
[18] D. Frau-Meigs, Faut-il avoir peur des Fake news ? La Documentation française, 2019, https://documentation.insp.gouv.fr/insp/doc/SYRACUSE/114066/faut-il-avoir-peur-des-fake-news-divina-frau-meigs
[19] Nygren, T. Guath, M, Axelsson, A, and D. Frau-Meigs, Combatting Visual Fake News with a Professional Fact-Checking Tool in Education in France, Romania, Spain and Sweden, Information 12 5 (2021), https://doi.org/10.3390/info12050201
[20] D. Frau-Meigs, Addressing the Risks of Harms Caused by Disinformation. European vs. US Approaches to Testing the Limits of Dignity and Freedom of Expression Online, in The Handbook of Communication Rights, Law, and Ethics, 2021 https://doi.org/10.1002/9781119719564.ch11
[21] D. Frau-Meigs, in Les guerres de l’information à l’ère numérique, PUF, 2021, https://www.puf.com/les-guerres-de-linformation-lere-numerique
[22] D. Frau-Meigs, Child and Adolescent Well-Being in Media and communication studies, Handbook of Child Well-Being. Theory, Indicators, Measures and Policies, A. Ben-Arieh, Frones, I., Casas F., Korbin, J.E. (Eds.), Heidelberg, Springer, 2013, 437-484
[23]Frau-Meigs D., Bossu A. Towards E-presence at Distance as a Way to Reach and Share E-quality: The Case of the ECO sMOOCs. In: C. Delgado Kloos, P. Jermann, M. Pérez-Sanagustín, D. Seaton, S. White (eds) Digital Education: Out to the World and Back to the Campus. EMOOCs 2017. Heidelberg: Springer, 2017, 38-47. http://dx.doi.org/10.1007/978-3-319-59044-8_5.
[24] D. Frau-Meigs, Transliteracy: sense-making mechanisms for establishing e-presence, U. Carlsson (ed) special issue on « Media and Information Literacy and intercultural dialogue » Goteborg, Clearinghouse, 2013, 175-189
[25]D. Frau-Meigs, O’Neill B. Tome, V, Soriano A. Competences in Digital Citizenship Education, Strasbourg, Council of Europe, 2017.
[26]D. Frau-Meigs, J. Flores et I. Velez (sous la dir.), European Public Policies on Media and Information Literacies in Comparative Perspective, Routledge, 2017.
[27] D. Frau-Meigs, S. Kotilainen, M. Shelat (eds), Handbook on Media Education Research London, Blackwell-Wiley, 2020
[28] Frau-Meigs, D. How disinformation reshaped the relationship between journalism and MIL, Digital Journalism 10:5, 2022, 912-922, https://DOI.org/ 10.1080/21670811.2022.2081863
[29]Osuna-Acedo,S, Marta-Lazo, C, and Frau-Meigs, D. “From sMOOC to tMOOC, learning towards professional transference: ECO European project”, Comunicar, Media education research journal 26 55 (2018):105-114 (en anglais et en espagnol) https://doi.org/10.3916/C55-2018-10
[30] D. Frau-Meigs, S. Osuna-Acedo and C. Marta-Lazo (eds.) The challenge of MOOCs. From revolution to reality, Heidelberg, Springer, 2021
[31] Pour le collectif Interassociatif CIEM, Environnement médiatique : que transmettons nous à nos enfants https://enfants-medias.cemea.asso.fr/IMG/rapportCIEM.pdf
[32] D. Frau-Meigs, Media and Information Literacy, background paper, Global Education Monitoring (GEM) Report, 2023, https://doi.org/10.54676/UYKM6672
[33] D. Frau-Meigs, User empowerment through Media and Information Literacy responses to the evolution of Generative AI, UNESCO policy brief, 2023.
[34]HLEG, A Multi-dimensional approach to disinformation », DG-Connect, Commission Européenne (contributrice), 2018
[35] UNESCO, Fez Declaration on Media and Information Literacy, 2011
https://www.unaoc.org/wp-content/uploads/FEZ_DECLARATION-ON-MEDIA-AND-INFORMATION-LITERACY-JUNE-17-2011.pdf ; UNESCO, Paris Agenda, 12 recommendations for Media literacy, https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/AgendaParisFinal_fr.pdf
[36] https://rm.coe.int/media-literacy-mapping-report-en-final-pdf/1680783500
[37] https://mediasmatrices.wordpress.com/
[38] The conversation.fr/frau-meigs
[39] https://savoirdevenir.net